Grandeur et décadence
“Certains auront besoin de ressentir les choses, de les vivre. Alors, peut-être devrez vous aller au-delà, donner corps à votre Songe.”
Pourquoi s’arrêter à des Conventions ? Organisons un Grandeur Nature. L’idée était lancée… Mais la gestion d’une centaine de joueurs, répartis sur plusieurs hectares de forêt, livrés à eux-mêmes avec leur fiche de personnage et des figurants pour maîtriser un scénario complexe durant tout un week-end, c’est une autre histoire.
La première année en 1991, nous avons eu une soixantaine de joueurs, la seconde 80 et la troisième, nous avons eu 125 joueurs, pour une partie mémorable. Sur un scénario complexe, avec quatre camps répartis sur 60ha, avec un demi-douzaine de MJs volants et une dizaine de figurants, nous avons certainement eu l’un de nos plus beaux GN. J’ai le souvenir, de la surprise pyrotechnique organisée de nuit.
Le soleil était couché depuis une heure, lorsque les membres du camp principal regardèrent médusés le flanc de la colline de l’autre côté du vallon. À une ou deux lieues, à vol d’oiseau, se dessinait, en trait de feu, un pentacle impressionnant. En ce lieu s’était installé la Horde, une tribu de barbares prêts à fondre sur eux. Les prêtres du camp, recevant des messages divins, surent alors qu’un terrible rejeton des enfers venait d’être invoqué et que l’aube ne se lèverait pas sans que le sang n’est coulé.
Un souvenir qui a marqué nos joueurs, mais aussi le voisinage 😉 Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir prévenu via les journaux :
Le club de jeu de rôles du foyer rural de Bouxières-aux-Dames, investira les coteaux ce weekend. Les organisateurs ont 20 ans … et la passion. (Marie-Thérèse Colin – L’Est Républicain 06-05-1993)
Fièvre des derniers jours de préparation, clans les locaux du foyer rural de Bouxières-aux-Dames. Joël, 19 ans, Jean-Yves, 21, Philippe, 22, et Isabelle, 21 ans, découpent des kilomètres de bandes de tissu, qu’ils enduiront de vaseline pour faire des feux, et des bandeaux, signes de reconnaissance dans les camps.
Pour la troisième année consécutive, le club de jeu de rôles du foyer, qui a déjà cinq ans d’existence, organise un jeu de rôles grandeur nature.
Il attend 125 personnes, dûment inscrites, de 12 à 46 ans, venant de toute la région, et même de Poitiers, de Soisson, de Strasbourg, de Paris. Le plus grand jeu de rôles de l’Est de la France.
Un week-end de combats
Pendant deux jours, les samedi 8 et dimanche 9 mai, ces amateurs vont investir l’espace situé sur les coteaux de Lay-Saint-Christophe, dans la forêt, jusqu’à l’Etang vers Faulx: 4 km. Où se dérouleront les combats d’une aventure médiévale fantastique: « Un passé imaginaire, où il n ‘y a ni arme à feu, ni poudre, mais des épées, des haches, des poignards (en mousse).»
Des humains, mais aussi des elfes et des orques s’affronteront dans des combats épiques, où la part d’imagination n’aura de sublime que le respect d’une logique des personnages, inventés, comme l’histoire, par ce club de quelque vingt-cinq joueurs, passionnés de ces jeux de rôles inventés aux Etats-Unis par Gary Gigax, s’inspirant lui-même des œuvres de Tolkien. Le club du foyer rural de Bouxières-aux-Dames s’est créé il y a cinq ans, avec une poignée de ces gamins passionnés du jeu de rôles, autour d’une table.
Ils ont commencé à organiser leurs premiers jeux grandeur nature, il y a trois ans. Ils étaient 60 en 1991, 80 en 1992. 125 cette année.
Des personnages en nuancesC’est le club qui a mis au point l’histoire, le cadre, l’époque, et élaboré les personnages. Les inscrits ont reçu des questionnaires, où ils décrivent le héros, ou l’antihéros, qu’ils souhaitent incarner. On leur a donné un nom (Prior Attanck, Ralph Yeux Noirs). Philippe leur a envoyé en retour une « histoire personnelle ». Prior est par exemple un marchand. Philippe décrit sa personnalité, ses défis, ses enjeux, ses ennemis, ses amis, ses objectifs, son caractère. « Ni les bons d’un côté, ni les méchants de l’autre. Mais des personnages tout en nuances» expliquent les jeunes organisateurs, qui sont à la fois responsables du scénario, de l’immense scène forestière où se déroule action, jour et nuit, et de l ‘intendance. « Chez nous, les (trois repas sont appréciés» souligne Isabelle. « C’est le moment où l’on redevient un peu soi-même, où l’on se rencontre. La nourriture, c’est important. Quand on sent griller les cochons de lait à la broche hum!»
La communication organisée
« C’est le seul jeu qui permet à des jeunes de rêver en groupe, avec une règle, une discipline, et une création commente Joël. « Ca nous apprend à communiquer, à improviser, à entrer en relation avec d’autres, à nous organiser » reconnaissent Jean Yves, Philippe, et Isabelle.
Si vous rencontrez ces étranges chevaliers en costume et en armes dans les bois de Bouxières ce week-end, ne soyez pas surpris. Ils ne vous verront pas. Ne craignez rien. Vous faites partie du décor. Une autre manière de jouer un rôle…
C’était encore l’âge d’or du jeu de rôle. Un temps de sérénité, où l’on pouvait s’adonner à notre passion, sans se justifier. Cela n’allait pas durer, mais c’est une autre histoire…
Après cinq grandeur nature organisés, plusieurs participations à d’autres, notamment chez nos amis vosgiens Les Maîtres de la Table Rôle, une page se tourne.
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