Merci Jacques et Mireille !
« Le Songe n’a rien d’un rêve, il peut aussi être cauchemar. Les Rêveurs peuvent plier la réalité à leur volonté, quelle qu’elle soit, et ils font de terribles antagonistes. Sur Khearn, l’une des plus puissantes Maîtresse du Songe, ma Némésis, s’appelait Maldeiria. Elle était la servante du Seigneur des Ténèbres Bandarkhan. Et fût ma plus grande adversaire. »
Puis vint le temps de la tourmente… Jacques et Mireille qui, pour du sensationnalisme, ont sacrifié tout une génération de rôlistes sur l’autel de l’audimat.
En mai 1990, le cimetière juif de Carpentras est profané. On trouve un lien… à tort entre le jeu de rôle et ce crime. En février 1994, un lycéen, interne en arts graphiques, se suicide au pistolet à grenaille. Ses parents découvrent qu’il jouait à un jeu de rôle et lancent une véritable croisade amplifiée et déformée par les médias.
Au milieu des années 90, le jeu de rôle en France est l’objet d’accusations graves (troubles psychiatriques, suicides, meurtres). Une croisade médiatique qui aura des conséquences terribles pour toute une génération de rôlistes avec la fermeture de nombreux clubs, des pertes de subventions et des arrêtés locaux interdisant sa pratique, notamment de grandeur nature.
Aux États-Unis, une chasse aux sorcières est déjà en cours et très active. Les écoles bannissaient les jeux de rôles, les églises les condamnaient et les magasins cessèrent de les proposer. Les boutiques spécialisées furent forcées de fermer. Des milliers de gens étaient persuadés que le jeu de rôle était dangereux et maléfique. Et aujourd’hui encore, les gens continuent à associer les jeux de rôles au suicide et au satanisme.
C’est en mai 1994, que Jacques Pradel met le feu aux poudres dans Témoin n°1. Il se fait le relais de la croisade des parents du lycéen, en faisant témoigner le père, et le docteur Jean-Marie Abgrall, spécialiste des sectes, apporte sa caution. Il y a selon lui une dérive sectaire possible. En novembre, Zone Interdite sur M6, se fait écho d’un autre drame, celui des suicides de trois lycéens de Toulouse, auquel est fait le lien avec les jeux de rôles, même si le lien avec le satanisme semble clairement établi. C’est le jeu de rôle et ses dérives sectaires qui sera le bouc émissaire.
En mai 1995, un collégien, obsédé par Le Seigneur des anneaux, poignarde son professeur en affirmant être Aragorn. En octobre, l’enquête de Carpentras rebondit sur la piste des jeux de rôles et le coup fatidique tombe en octobre, lorsque France 2 et Mireille Dumas diffusent Bas les Masques, Jeux dangereux. Tous ces faits divers sont montés en épingle. Un reportage de la télévision suédoise sur la mort d’un adolescent de 15 ans tué par deux frères de 16 et 17 ans, participant au même jeu de rôles, vient encore à charge. Ensuite, le témoignage d’une mère et de son fils, “victime” du jeu de rôle, en l’ayant amené à ne plus distinguer le vrai du faux, et à se fermer aux autres.
Et voilà que le bon vieux docteur Abagrall refait son apparition, en tant que médecin traitant du jeune homme et mettant en garde contre la manipulation mentale comme dans les sectes. Et l’on évoque alors un autre lycéen poussé au suicide par ces jeux satanistes forcement, après avoir perdu pied avec la réalité. Et le bon docteur de conclure en réclamant une réglementation stricte des jeux dans nos sociétés angoissantes, pour empêcher que les jeunes trouvent refuge dans l’imaginaire et non plus dans le réel.
Je ne vais pas vous refaire les détails de l’histoire. D’autres rôlistes l’ont déjà fait et vous pourrez facilement les trouver. Je vous mettrai quelques liens en fin d’article. Pour les Évadés du Chaos, la tourmente débute avec Zone Interdite. Les parents des joueurs de notre club s’inquiètent et je m’efforce de les rassurer. Ma chance, un contact régulier avec eux depuis des années et l’implication de certains dans l’organisation des conventions et des grandeur nature. En parallèle, profitant de l’antenne locale, nous demandons à M6 un droit de réponse. Mais, sans actions groupées avec tous les clubs de la région, notre demande reste lettre morte. En interne, je dois justifier ma section de jeux auprès du Conseil d’Administration du Foyer Rural de mon village. Je m’en sortirai parce qu’il s’agit justement d’un petit village, que mon frère et moi sommes connus pour notre sérieux et notre implication dans la vie associative locale. Je connais la plupart des conseillers depuis que je suis gamin.
Quand quelques mois plus tard, Bas les Masques vient à asséner un coup supplémentaire, c’est le coup fatal pour certains club en France. Cette fois, c’est au niveau municipal que le combat se positionne. Les subventions sont sur la sellette, et l’autorisation même d’organiser le prochain grandeur nature sur la commune est sujet à controverse. Nous arrivons à nous en sortir, mais pas sans y laisser des plumes. Fin 95, nous quittons le Foyer Rural, qui durcit imperceptiblement ses règles d’utilisation des salles, en réduisant nos plages horaires, en nous contraignant à fermer plus tôt. Nous intégrons une autre association et nous retrouvons à l’étroit dans une petite salle de classe d’une ancienne école. Les deux derniers grandeur nature se feront sur des terrains privés hors de la commune…
Si je devais trouver un côté positif à cette période, c’est l’union. Les rôlistes, bien que nombreux n’étaient pas unis, ils ne disposaient pas de représentants. Il existait bien des médias, tels que Casus Belli, Graal, Dragon Radieux… mais aucun organisme officiel capable de répondre, tant aux journalistes qu’au grand public. À la suite de ces événements, en 1996, une fédération française de jeux de rôle est créée avec dans ses statuts l’objectif de défendre le jeu de rôle et d’unir les rôlistes.
Le jeu de rôle mettra plus d’une décennie pour s’en remettre. Mais aujourd’hui, tel le Phénix, il renaît de ses cendres. La nouvelle génération est prête et les anciens sont toujours fidèles aux postes.
Pour en savoir plus :
https://journalduncurieux.com/2020/01/14/le-jeu-de-roles-antichambre-du-meurtre-des-suicides-et-du-satanisme/
https://ptgptb.fr/une-histoire-du-jdr-4-enfer-et-paradis-de-la-finance
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